Les différents types de synthétiseurs et leur développement 

Les synthétiseurs analogiques  

Un synthétiseur est dit analogique s'il utilise des circuits électroniques analogiques c'est à dire composés de transistors, condensateurs, résistances... Cette technique a été utilisée sur les premières machines comme les premiers modulaires Moog, ARP ou le minimoog. Les modules d'un synthé analogique sont contrôlés par des tensions, on parle alors de filtre commandé par tension (Voltage Controlled Filter). Ce type de technique utilise énormément de composants mécaniques et électroniques en tous genres (transistors, condensateur, potentiomètres...) ce qui explique entre autre les prix prohibitifs de l'époque. Ce grand nombre de composants posait également quelques problèmes de surchauffe, d'où des pannes assez fréquentes.  

Le manque de précision de la technologie analogique donnait aux musiciens de l'époque beaucoup de fil à retordre notamment aux niveau de l'accordage des machines qui ne tenait jamais ! A coté de ça les premiers analogiques avaient comme pour les voitures de collection leurs amoureux. En effet, malgré leurs défauts ces machines avaient beaucoup de personnalité, un son très chaud (pour le plus grand bonheur des groupes de funk qui ne pouvaient plus se passer de l'épais son de basse du minimoog). Paradoxalement, le caractère sonore unique des analogiques vient souvent de leurs défauts techniques. Du fait du grand nombre de composants utilisés, les caractéristiques de ces derniers diffèrent légèrement d'une machine à l'autre. A la fin des années 70 et au début des années 80 la technologie analogique commence à se fiabiliser notamment grâce à l'utilisation de microprocesseurs et d'amplificateurs opérationnels qui viennent remplacer les transistors ainsi que d'autres composants. Sur un Prophet 5, par exemple, le filtre est constitué par un chip (microprocesseur). Ce progrès entraîna au fil du temps la réduction de la taille des circuits. La technologie numérique commence à pointer son nez notamment pour améliorer la stabilité des VCO renommés DCO (Digitally Controlled Oscillator). Cette technique est notamment utilisée dans le Synthex d'Elka que Jean Michel Jarre a énormément utilisé. Autre progrès : les synthétiseurs s'équipent de mémoire permettant de sauvegarder les sons, le preset d'usine fait alors son apparition (notamment dans le Prophet 5). On voit apparaître alors une nouvelle race de synthés dit programmables. Malgré ces progrès, le prix est toujours prohibitif : 35 000 FF pour un Prophet, 30 000 frs pour un Memorymoog. D'autres innovations sont apportées aux synthés analogiques comme les séquenceurs, les arpégiateurs, la polyphonie... Mais en 1983 la météorite Yamaha DX7 sonnera le glas pour les grands analogiques et l'ère du numérique s'installera. 

Les synthétiseurs numériques 

Un synthétiseur est dit numérique s'il utilise une technologie dite digitale. A l'inverse de l'analogique il n'y a plus de tension de commande mais à la place de petites impulsions électriques traités par des microprocesseurs. Dans la technologie numérique il n'y a que deux possibilités (technique binaire) : 1=courant ; 0= pas de courant. Cette représentation simpliste cache en fait d'énormes possibilités et comme nous le voyons aujourd'hui la technologie numérique évolue sans cesse nous offrant des machines aux possibilités toujours plus impressionnantes.  

L'ère des synthétiseurs numériques a réellement commencé en 1983 avec l'arrivée du Yamaha DX7 et sa synthèse FM (voir plus bas "Synthèse FM"). D'autre synthétiseurs numériques sont sortis avant comme le Fairlight ou le Synclavier mais leur prix astronomique les réservaient à quelques musiciens fortunés. Les synthétiseurs numériques ont pour avantage indéniable leur fiabilité. En effet la stabilité de la technologie numérique donne aux machines un accord parfait quelles que soient les conditions, de grandes capacités de mémoire, le système MIDI pour le dialogue entre instruments, et des possibilités sonores qui repoussent sans cesse les limites de la création. Ce sont ces avantages couplés à un prix raisonnable qui fit du DX7 la machine qui tourna définitivement les musiciens vers le numérique. A cette période les grandes firmes telles Moog ou Sequential ferment leur porte une à une. La technologie numérique évolue à une vitesse folle et les grandes marques proposent à leur tour des machines essayant de faire face à Yamaha. Le premier synthétiseur qui mit fin au règne du DX fut le D50 Roland de 1987. S'inspirant des machines PPG, Roland fait très fort en proposant une machine aux textures sonores étonnantes. Le D50 est un synthé à base d'échantillons PCM utilisant la synthèse soustractive des analogiques grâce à l'utilisation de filtres, ce que ne proposait pas le DX7. 

Le D50 est le symbole de l'arrivée des machines à base d'échantillons qui inonderont le marché du synthé jusqu'en 1994. En effet de 1987 à 1994 toutes les grandes marques proposèrent des machines à base d'échantillons de plus en plus intéressantes. La technique de base reste la même mais la synthèse évolue. On voit alors apparaître des machines aux textures sonores absolument fantastiques comme le Wavestation de Korg ou le K2000 de Kurzweil. L'évolution technique qui aura lieu à cette période sera marquée entre autre par l'augmentation de la polyphonie et de la multitimbralité, et l'amélioration des techniques MIDI. Un nouveau standard apparaît : "le General MIDI " qui propose aux machines équipées de cette norme d'offrir une palette de 128 sons communs permettant la reproduction sur 16 canaux de séquences MIDI. On voit alors apparaître un nouveau type de machine appelées stations de travail (workstation). Un instrument de cette catégorie réunit à lui seul un synthétiseur à la polyphonie élevée, un séquenceur, une table de mixage et des effets.  

A la fin des années 80 et au début des années 90, les synthés numériques sont devenus de véritables usines à gaz ! Les notices sont de véritables pavés et l'usage du synthé est réservé de plus en plus à l'agrégé de Math/Physique ! Le manque de convivialité des interfaces décourage les programmeurs les plus motivés. Pour accéder à un paramètre, il faut passer par des menus sans fin. Il faut souvent plus d'une heure pour programmer un seul son ! Les musiciens commencent à regretter la simplicité d'utilisation des analogiques qui permettent de sculpter le son en temps réel grâce à leurs nombreux potentiomètres.  

L'émergence de la techno au début des années 90 avec ses basses chaudes et percutantes (entre autre produites par le MiniMoog et la petite TB303), ses nappes très spaces et les kicks des incontournables TR808 & 909 vont faire lorgner les musiciens de plus en plus vers les vieux coucous analogiques. Et les synthés numériques dans tout ça ? Et bien les constructeurs vont mettre un peu de temps à se mettre au parfum. L'un des premier fut Roland qui proposa le JD 800. Côté synthèse rien de révolutionnaire, le JD propose une synthèse à base d'échantillons PCM. L'innovation réelle vient de l'ergonomie de la machine avec sa façade bourrée de potentiomètres. Pour la première fois on pouvait utiliser un synthé numérique comme un analogique en modifiant le son en temps réel. Curieusement, cette machine ne connut pas un succès considérable. Le tournant réel de la synthèse numérique eut lieu en 1994 avec Yamaha (une fois de plus) qui proposa une toute nouvelle race de synthés dits à modélisation avec le VL1. Le VL1 est un instrument à modélisation physique proposant une simulation d'instruments à vent (cf synthèse). Force est de constater que le résultat est à tomber par terre ! Les sons sont d'un réalisme hallucinant et les possibilités de synthèse très étendues. Mais le VL1 était plutôt un essai. Le succès commercial fut au rendez-vous en 1995 avec l'idée géniale de la société suédoise Clavia : utiliser cette technologie de modélisation pour créer une nouvelle synthèse dite à modélisation analogique. Clavia, connu pour ses percussions électroniques (DDrum), lança son premier synthé : le NordLead virtual analog qui fut la machine qui marqua le départ de la grande mode des instruments analogiques virtuels. Le coup de maître de Clavia déclencha un véritable raz de marée faisant du NordLead un synthé absolument incontournable que l'on retrouve partout : dans le groupe de techno ou de rock ou bien du coté de chez Jean Michel Jarre qui a très vite craqué pour ce synthé. Pas de doute, le son analogique est bien là : des basses rondes et chaudes, des sons de nappes planants avec en plus des possibilités avancées comme le morphing. Face à ce succès colossal les grandes marques se sont mises à proposer tour à tour leur propre clone de NordLead. Roland annonce le retour de son Jupiter et sort le JP8000, Yamaha sort l'AN1 X . Le monde du numérique fit à nouveau un pas de géant en recréant un synthé modulaire tel les Moog 55 & ARP 2500 grâce à cette même technique de modélisation. Là encore l'idée vient de Clavia avec son Nord Modular. Les possibilités du modular sont gigantesques et c'est certainement l'un des synthés les plus complet et puissant du point de vue de la programmation sonore et des possibilités de modulation. Sans cesse en évolution la technologie numérique est très loin d'avoir dit son dernier mot . 

Les différents types de synthèse 

Synthèse Soustractive 

C'est le type de synthèse le plus répandue du fait qu'elle est simple à programmer. La base de la synthèse soustractive, c'est le filtre à qui on injecte un signal (forme d'onde) riche en harmoniques. Ce dernier ayant pour rôle d'éliminer certaines fréquences afin d'obtenir une grande variété de timbres différents. Ce type de synthèse était d'abord présent sur les modulaires analogiques puis s'est répandu sur les non modulaires analogiques & numériques. 

 

En haut : forme d'onde originelle 

Au milieu : Type de filtre 

En bas : Onde filtrée

Synthèse Additive 

A l'inverse de la synthèse soustractive, la synthèse additive repose sur l'ajout et la superposition de plusieurs formes d'ondes (harmoniques) afin d'obtenir un son, un peu à l'image des orgues à tirettes harmoniques. La synthèse additive est plus complexe à programmer notamment à cause de la sensibilité particulière des paramètres. Certains synthétiseurs utilisent le théorème de Fourier pour produire leurs sons. Cette technique consiste au mélange de plusieurs sinusoïdes afin de produire un signal complexe. 

 

Synthèse FM : Modulation de fréquence 

Apparue en 1983 avec le Yamaha DX7, la synthèse FM a été mise au point en 1973 dans les laboratoires de la CCRMA de l'université de Standford par le Dr John Chowning. La synthèse FM est apparue avec la technologie numérique, seule capable de fournir la stabilité nécessaire. Le principe de la synthèse FM repose sur la variation de la fréquence d'une onde périodique, la porteuse, en fonction de l'amplitude d'une autre onde la moduleuse. Dans un synthétiseur FM, les ondes porteuses et moduleuses sont générées par des opérateurs (oscillateurs). Le schéma de connexion entre ces oscillateurs s'appelle algorithme. Chaque opérateur est associé à une enveloppe qui permet de faire varier son amplitude lorsqu'il est modulateur ou son volume lorsqu'il est porteur. Les sons FM sont assez variés mais ont une coloration assez spécifique très brillante et métallique.  
 

 
Ci-dessus : Evolution d'un spectre FM par variation de la modulation. 
De Gauche à droite : Interférences croissantes 
  

Synthèse par lecture d'échantillons 

Mise en oeuvre dans les synthés numériques et les sampleurs, cette synthèse (dont le nom dépend du constructeur : PCM, AWM, Ai2,....) utilise des bouts de sons enregistrés (échantillons de piano,synthés ..) à la place des oscillateurs, puis les traite dans différents modules (filtres, enveloppes, LFO...). 

Synthèse à table d'onde 

Ce type de synthèse s'appuie sur la lecture chaînée de différents échantillons numériques de formes d'ondes simples. Les variations de fondu entre les différents échantillons permettent de donner un timbre spécifique au son ou de créer des variations de tonalités brutales ou très fines. Selon les synthétiseurs il est possible de régler les points de bouclage en lecture ainsi que le tempo. Les premières machines à utiliser ce type de synthèse sont les PPG Wave, marque de Wolfgang Palm à qui on attribue cette technologie. Korg avec sa Wavestation ou Waldorf avec son MicroWave l'ont aussi adopté parfois associée à d'autres techniques. 

Synthèse à Modélisation Physique 

Modélisation Acoustique 

Cette synthèse qui demande des unités de calcul extrêmement puissantes utilise des DSP (Digital Signal Processor) afin de modéliser un espace acoustique dans lequel est produit un son (Ex: embouchure d'un tuba , caisse de résonance, vibration de cordes...). Le son est modélisé en temps réel à une fréquence variable suivant la puissance de la machine. Le Yamaha VL1 a été le premier instrument à proposer ce type de synthèse. 

Modélisation analogique 

Comme la modélisation acoustique, la modélisation analogique utilise les DSP cette fois ci pour modéliser de manière très précise les circuits electroniques (oscillateurs, filtres, LFO ...) utilisés dans les synthétiseurs analogiques. Le Clavia NordLead a été le premier instrument à utiliser ce type de synthèse.